Entrevue avec Karim

1. Qu’est-ce qui vous a poussé à immigrer aux Québec ? 

À l’époque, il n’y avait pas beaucoup de choix pour l’immigration, le seul pays qui était ouvert avec des conditions favorables, c’était le Canada. On a décidé de s’installer au Québec à cause de la langue française qui facilite l’intégration pour la famille.


2. Quelle a été votre première impression en arrivant au Québec ?

La première impression, c’est le froid. Je suis arrivé au mois d’avril et avec le facteur vent il faisait environ -30, il y avait quand même du soleil. Moi je ne savais pas que le froid provoquer autant de douleur sur le corps humain. J’étais choqué par ce phénomène. Sinon, j’ai eu l’impression qu’au Québec et particulièrement là où on a vécu, Montréal, il y a une organisation qu’on n’a pas en Algérie. C’est plus facile de s’organiser du point de vue administratif. J’ai été impressionné par cette organisation et par le « timing », tout est calculé.


3. Quelles sont les plus grandes différences entre les deux pays ?

Il y a une grande différence côté historique tout d’abord, l’Algérie vient de sortir d’une guerre avec la France qui a duré sept ans (1955-1962) dans laquelle on a perdu un sixième du peuple, donc notre génération été vraiment jeune dans tout les domaines, économique, social, l’environnement et le coté administratif. Par contre, au Québec, il n’y a pas eu de guerres, sauf contre les anglais, mais il y a longtemps. Certes, la différence est très grande entre les deux pays et ce qu’il ne faut pas oublier, c’est que le Canada est un pays du G7, donc parmi les pays industrialisés, alors que l’Algérie est un pays considéré en voie de développement, donc on ne peut pas vraiment les comparer, parce que les contextes sont différents.


- Quelle est la différence dans la mentalité et le mode de vie des gens ?

Le mode de vie ici, il est un peu pénible. Tu dois travailler très fort pour avoir une belle vie. En Algérie, on a besoin de moins d’efforts, l’état il t’aide, il y a moins de stress par rapport à ici. En Algérie, c’est une sorte de socialisme, l’état il aide les gens, par exemple en donnant des logements sociaux. Alors qu’ici, c’est le capitalisme, il n’y a rien de gratuit, le temps c’est de l’argent. Sinon la mentalité des gens, elle n’est pas très différente, vous trouver des gens qui aide et d’autre non, partout il y a des bons et des mauvais.


3. Le Québec a-t-il été à la hauteur de vos attentes

Sur certains côtés oui, sur d’autres non, parce que dans le domaine du travail, il y avait un certain lobbysme, c’est à dire que chaque métier il est protégé par un ordre comme l’ordre des médecins, l’ordre des ingénieurs, etc., donc ce n’est pas facile de pénétrer dans le domaine que tu veux. Deuxièmement, il y a le facteur de la langue. Ils disent que le Québec est francophone, mais à Montréal, 50% parlent l’anglais et la plupart des sociétés se basent sur une économie internationale, donc les entreprises utilisent les deux langues, surtout l’anglais. Ce qui nous désavantage, parce que nous on a étudié avec la langue française. Finalement, le troisième facteur est que les entreprises demandent une certaine expérience canadienne, pourtant ils savent que nous sommes des immigrants et que donc forcément on n’a pas encore d’expérience canadienne puisqu’on vient d’arriver, c’est illogique! Donc ce sont ces trois facteurs là, qui empêchent les immigrants quelque soit leurs origines ou leurs diplômes d’intégrer le domaine qu’ils veulent. Ce qui donne un choc pour la plupart des gens. Avec le temps, chacun se débrouille comme il peut dans sa vie dans l’espoir que les enfants, c’est à dire la deuxième génération, vont pouvoir réussir à s’adapter.


4. Quelles sont les plus grandes difficultés auxquelles vous avez dû faire face à votre arrivée?

La plus grande difficulté qu’on subi en arrivant ici c’est qu’on se cherche soit même son identité. Tu cherche ta place dans cette société, qu’est ce que tu vas donner, comment tu vas contribuer, comment s’impliquer dans la société et c’est là qu’on rencontre les obstacles que j’ai cité auparavant et ça influe sur l’aspect psychologique. On est comme en conflit avec soi même.


5. Qu’est ce qui vous manque le plus de votre pays d’origine ? 

Ce qui me manque le plus, c’est la famille, deuxièmement c’est le climat et troisièmement, c’est la nourriture méditerranéenne, les fruits et les plats. 


6. Avec votre connaissance actuelle de la société et du mode de vie, si vous-aviez à reprendre votre décision d’immigrer quel serait votre verdict ?

Je prendrai la même décision, parce que les conditions en Algérie quand moi j’ai immigré était catastrophique, on sortait de la guerre civile (1990) dans laquelle il y a eu environ 300 000 morts.  Cependant, on ne peut juger la décision en 2015, car lorsque j’ai pris la décision en 1999, ce n’était pas la même situation en Algérie. À l’époque, je prends la même décision, aujourd’hui en 2015, peut-être que je change, parce que les conditions en Algérie ont beaucoup changé. Mais malheureusement, on ne peut pas reculer le temps.


7.  Si vous aviez à donner votre avis ou un conseil à un maghrébin qui veut immigrer au Québec que lui diriez-vous ? 

Tout dépend de la situation de l’immigrant. Si cet immigrant a un bon diplôme et un bon emploi, je lui conseil de rester dans son pays. Parce qu’il va être démoralisé par le lobbyisme (les ordres des métiers) qui font beaucoup d’obstacles. Pourtant ici ils ont besoin de médecin par exemple, mais ils n’offrent pas de possibilités aux immigrés. Maintenant, si l’immigré qui vient est dans une situation difficile et qu’il veut avoir une chance de démarrer sa vie à nouveau. Tout dépend de sa situation.


Je pense que le mot « immigré », il a évolué maintenant, ce n’est pas le même immigrant que dans les années 1950 de la deuxième guerre mondiale. Ce n’est pas le même terme, en tout cas ça devrait être un terme différent. Les gens qui viennent ici, ce sont des gens éduqués qui ont déjà des diplômes, moi je connais des directeurs d’entreprises qui ont immigré ici. Aujourd’hui on parle plutôt d’une immigration économique.